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samedi, 05 décembre 2009

Nicolas Fargue, Le roman de l'été (P.O.L)

Il y a le ciel, le soleil et la mer…et les tubes de l’été. Il y a les pages, les destins croisés, les portes à briser…et le roman de l’été.

Nicolas Fargue est un virtuose…il compose son roman en abyme, nous plongeant rapidement dans l’angoisse du créateur qui, au gré des pages, se demande comment il va remplir ses pages : le syndrome Première gorgée de bière, quoi. On ne rentre pas en littérature avec des choses pareilles. Ça été décliné mille fois, ce genre de trucs, depuis Pérec. Tout le monde fait ça. Non, il n’y a rien à faire, je peux pas me lancer là-dedans. Ça fait trop recette. C’est vulgaire. »
Une fois la balise posée, le texte peut avancer, il sait dans quoi il ne doit pas verser. Le tour de force de N. Fargue va être d’absorber tous les clichés possibles –jusqu’au titre- pour les détourner, et faire ainsi œuvre véritable de création. Ainsi va la réinvention permanente et jubilatoire du roman.

Inutile de résumer l’intrigue qui tourne autour de ce romancier placé dans le roman et agissant comme une force aimantée. Des êtres gravitant plus ou moins loin de lui vont se retrouver près de cette plage et de ces dunes qui accueillent ses errances.
L’essentiel se situe dans cette question : compte tenu de ses affres, comment le roman tient-il ? L’auteur répond page après page avec une exceptionnelle inventivité, pour le plus grand bonheur du lecteur.

Les personnages prennent corps et vont dans leur vie par le langage. Essentiellement. La langue est leur essence, leur forme première. Ces êtres de papier se présentent avant tout comme des êtres de style : Tu le tires, ton coup, de temps en temps ? se mit-il à grogner. Ça t’arrive, de te faire ramoner ? Le Destop, c’est tous les combien du mois, ma chérie ? Tu t’en prends souvent, des longueurs dans la figue ? Des segments dans ta coquille ? Une bonne grosse queue à te carrer dans le mou, ça te branche encore à ton âge canonique ? ça vous campe un personnage.
Et là, vous l’entendez, l’accent des banlieues, la cadence caillera : Hé, j’vais pas te manger, fit Kader en cessant brusquement de sourire. J’veux juste savoir c’est quoi ta plage.
Les mots prennent ainsi chair, les mots font chair, les mots se font êtres vivants. Et l’on avance ainsi dans une intrigue dense, conçue comme une tresse se composant sous nos yeux.

Tel mouvement appelait une fin explosive : elle fait ici appel à la réalité de notre pays : Sarkozy himself entre dans le roman, pour une dizaine de pages caustiques et intensément jouissives.

Face à une telle fiction, le lecteur se tient toujours en éveil, où est la vérité ? Et si tout ce qui s’écrit relevait d’une recette estivale faite pour charmer ? Autant s’en remettre à l’interrogation : C’est ça, le secret de l’équilibre du monde. C’est ça, la formule originelle de la création : la parfaite imperfection des choses. L’équilibre parfaitement déséquilibré.

Mais, avec les mots, allez donc savoir !

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