jeudi, 05 novembre 2009
Minh Tran Huy, La double vie d'Anna Song
Au festival de Mouans Sartoux, Podio a organisé une rencontre avec Minh Tran Huy qui présentait son deuxième roman La double vie d’Anna Song, publié aux éditions Actes Sud. Elle y raconte une mystification inspirée par l’histoire de la véritable pianiste Joyce Hatto. Le livre est écrit selon la technique du contrepoint : d’une part, des articles de presse – l’expression du réel, de l’objectivité –, d’autre part, le récit – très personnel ! – de Paul Desroches, le mari d’Anna Song. Cette jeune femme qui vient de mourir quand s’ouvre le roman, est célébrée par les médias comme la plus grande pianiste de tous les temps : son immense talent vient d’être reconnu grâce aux enregistrements en studio qu’a réalisés son mari. En effet, malade depuis plusieurs années, Anna Song ne se produit plus sur scène.
Mais, brutalement, la mystification est révélée et Paul Desroches va tout perdre pour avoir essayé, comme Orphée, d’arracher au néant la femme aimée. Le suspense du roman, et jusqu’à la chute finale, est tenu grâce à une belle écriture qui creuse le secret de cet homme : il n’a existé que parce qu’il a aimé. Peu lui importait le prix à payer pour cet amour.
Minh Tran Huy s’est beaucoup amusée à parodier le style des journalistes et leur fâcheuse habitude de se recopier les uns les autres, à mêler les noms d’artistes reconnus à d’autres, imaginaires, à raconter les anecdotes qui courent dans le milieu musical... L’autre thème est le Vietnam. Anna Song en est originaire, tout comme l’auteur qui, née en France, juxtapose les images idylliques du pays rêvé à celles du pays réel. C’était déjà le cas dans son premier roman La Princesse et le Pêcheur, où les légendes vietnamiennes tenaient une place prépondérante. Entre l’écriture des deux livres, l’auteur a changé et sa vision du pays d’origine aussi.
À la relecture, c’est, au-delà du récit d’un amour fou et désespéré allant jusqu’à l’imposture, le thème dominant : Paul Desroches, qui est un homme dépourvu d’attaches familiales fortes et de caractère propre, est subjugué par Anna, et en particulier par le culte que celle-ci rend à ses morts vietnamiens, qu’elle n’a pas connus. Lui qui n’a pas de passé est comme « phagocyté » par l’histoire des origines d’Anna et va y consacrer une part importante de sa confession. Souvenirs de la vie au Vietnam avant la guerre, exactions commises par les colons puis par les communistes, fuite des boat-people, survie de ceux qui sont restés comme de ceux qui ont réussi à partir, liens difficiles à renouer entre eux quand ceux-ci retournent en voyage au pays..., à l’histoire d’une pianiste brisée se mêle l’Histoire du Vietnam de la deuxième moitié du XXe siècle. Ainsi que du Vietnam éternel grâce à une très belle légende vers la fin du livre. On y apprend aussi la beauté du mensonge.
Françoise Oriot
19:29 Publié dans Nos ami(e)s écrivent, Nos ami(e)s lisent | Commentaires (0)
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