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vendredi, 28 janvier 2011

Jean-Pierre Spilmont - Sébastien, éditions La fosse aux ours - Lecture de Marie Jo Freixe

« C’est une histoire d’amour qui a mal tourné » dit un fonctionnaire de police après l’interrogatoire de Sébastien un gamin à peine adolescent qui a commis l’irréparable. Le temps d’un face à face dans un bureau, le garçon, un taiseux qui a du mal avec les mots, avec les gens, se remémore une enfance sans amour, hormis celui d’un grand-père invalide, l’abandon de parents qui ont fort à faire avec leur négoce et peu de temps à consacrer à un enfant dont ils se sont débarrassés auprès d’un établissement spécialisé où viennent s’échouer ces petits hors-normes que l’on a tant de mal à comprendre  et qui semblent ne rien vouloir , ne rien attendre. Le lot quotidien de cette enfance-là c’est la violence, la haine. Dans la narration reviennent quelques bouffées de tendresse, d’amitié, et de rares moments de rêverie indicible car « les mots s’étouffent dans la gorge ». Jean-Pierre Spilmont conduit un récit percutant où se croisent deux moments : l’actualité et le passé, un passé proche et celui plus lointain de la guerre d’Algérie ; s’y croisent aussi des lieux différents qui sont presque tous des lieux de malheur . Au cœur du livre, un rapport de psychologue, figé sur « une très image mauvaise qu’il a de lui-même » que vient contredire ce que l’auteur  offre de son personnage : Sébastien voit clair dans le jeu d’adultes ou d’adolescents souvent méprisables, indifférents, voire brutaux, cruels. Sébastien aime et voudrait qu’on l’aime, il ne supporte pas l’injustice infligée à autrui ce qui peut le conduire aux pires violences mais il est sensible à la douceur des mots, des noms.

L’auteur prend le relais de celui dont il est dit dans le rapport que « ses niveaux de connaissances lexicales sont globalement déficitaires » , la langue du texte est proche de celle d‘un adolescent, souvent crue ; dans des phrases sans fioritures, incisives, qui vont à l’essentiel, elle touche le lecteur , le conduit au bord des larmes sans jamais toutefois jouer du pathos et d’une sensiblerie facile. Sébastien, un beau livre qui donne à entendre une voix  même quand «  la nuit, la ville avale les bruits à cause de tous les autres bruits. Ou bien parce que, dans une ville, personne n’écoute. »

 

 

 

 

18:23 Publié dans Nos ami(e)s lisent | Commentaires (0)