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lundi, 07 novembre 2011

L'écriture ou la vie de Semprun lu par Yvette Dallemer

(C'était en ouverture de la séance de rentrée de l'atelier d'écriture de l'Avelane en septembre dernier. Yvette Dallemer nous offrait ses mots et le livre de Semprun.)


Plus que le récit poignant, d'un rescapé, d'un revenant, plus qu'un témoignage historique, plus que la réflexion d'un philosophe sur " la mémoire aux mille stratagèmes ", ( Char ), sur la mort, la vie, la cruauté et la tendresse humaine - tout cela écrit dans une langue simple et sublime, pleine d' oxymores, ce livre est un chant d'amour, un cantique des cantiques à la gloire, non de Dieu, mais de " l'Homme sous son fardeau d'humanité " (St J Perse).

Je l'ai secrètement rebaptisé " Neige et fumée sur l' Ettesberg" , la neige étant toujours dans la mémoire de Semprun une image de la mort, alors qu'elle est pour Char, à la même époque et dans l'angoisse aussi d' une lutte pour le triomphe d'une même conception du monde, un signe heureux de vie et d'espoir.

Comment vaincre la mort ? " Faire de l'art avec elle"  et l'œuvre d'art est  ici l'écriture. Elle permet à Semprun de suspendre ou de précipiter le temps à son gré, dans son texte, et dans ses souvenirs, comme un dieu. Il nous en fait part avec une fraîcheur d'âme quasi puérile. Elle lui permet aussi de faire face à sa solitude, une solitude ontologique de laquelle il subit le vertige même au plus ardent de la mêlée amoureuse ou idéologique. Char dit " Je ne suis pas seul parce que je suis abandonné, je suis seul parce que je suis seul, amande entre les parois de sa closerie ".

Ce livre est le livre d'un forcené de la vie.

Sa lecture est une étreinte et une empoignade. Je l'ai refermé désespérée par la férocité et la vanité des idéologies et pourtant délicieusement déchirée par " ce printemps inouï qui existe éparpillé parmi les saisons et jusque sous les aisselles de la mort " ( Char )

Je suis restée longtemps dans l'aporie totale avant d'écrire ces quelques lignes, consciente de ne pas en saisir toute la substantifique richesse à cause de mon ignorance profonde. Voilà pourquoi je prends la liberté de vous offrir ce livre, sûre, pour une fois, de faire bien.